Évangile selon saint Matthieu

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La page d'ouverture de l'Évangile selon saint Matthieu des Évangiles de Lindisfarne, 8e s.
L'Évangile selon saint Matthieu (en grec ancien Κατα Μαθθαίον ou Κατα Ματθαίον) est l'un des quatre évangiles du Nouveau Testament. Ce livre est traditionnellement attribué à Matthieu-Lévi, collecteur d'impôts devenu l'apôtre de Jésus-Christ ; certains exégètes contemporains refusent cette attribution.

Peu d'indices dans l'évangile lui-même permettent de déterminer sa date de composition. Certains pensent qu'il a été écrit avant la destruction de Jérusalem (annoncée en Mt 24), probablement entre les années 60 et 65, mais d'autres le datent des années 70, voire de 85.

Cet évangile a probablement été écrit à l'origine à destination des juifs, peut-être même d'abord en hébreu. Les nombreuses références aux prophéties de l'Ancien Testament ainsi que la généalogie de Jésus indiquent que Matthieu a voulu prouver que Jésus était bien le Messie attendu par les juifs. Par ailleurs, le Sermon sur la Montagne (Mt 5-7 - où se trouvent les Béatitudes) illustre le fait que, contrairement à ce que croient et critiquent certains juifs, la loi de Moïse n'est pas abolie mais, bien que transcendée, reste en vigueur dans l'enseignement chrétien.

L'Évangile selon saint Matthieu commence par donner la généalogie de Jésus-Christ. Cette généalogie "humaine" (par opposition p.ex. à saint Jean qui présente dès le début l'origine divine du Christ) lui a valu d'être symbolisé, parmi les "quatre vivants", par la figure à visage humain (homme, ange). Cette généalogie "légale" est celle de son père adoptif, saint Joseph. On trouve également une généalogie, complémentaire, chez saint Luc, qui est la généalogie "du sang", celle de sa mère, la Vierge Marie.


Structure et contenu

Voir ci-dessous et voir :

Histoire de la composition du texte

L'Évangile selon saint Matthieu a été longtemps considéré comme étant le plus ancien des évangiles reçus dans le canon des Écritures. Les hypothèses modernes, en particulier la théorie des deux sources a remis en cause cette antériorité. D'après cette théorie et ses dérivées, l'Évangile de saint Marc lui serait antérieur et aurait été l'une de ses sources, en compagnie de l'hypothétique source Q. Comme les auteurs des autres évangiles, l'auteur écrit ce livre selon ses plans et objectifs, à la fois de son propre point de vue et en empruntant à d'autres sources. Selon l'hypothèse des deux sources, qui est la solution la plus acceptée au problème synoptique, Matthieu s'inspira de Marc et d'une source hypothétique appelée Q par les érudits (initiale de l'allemand Quelle, signifiant « source »).

Voir l'article séparé : Sources de l'Évangile selon saint Matthieu

Auteur

Dans son Histoire Ecclésiastique, Eusèbe de Césarée, au début du IVe siècle, résumait ainsi ce que la tradition se remémorait de l'apôtre Matthieu: Matthieu, en effet prêcha d'abord aux Hébreux. Comme il devait aussi aller vers d'autres, il livra à l'écriture, dans sa langue maternelle, son Évangile, suppléant du reste à sa présence par le moyen de l'écriture, pour ceux dont il s'éloignait. (H.E. III, 24, 6). Toujours selon Eusèbe de Césarée, Papias était censé avoir écrit: Matthieu réunit donc en langue hébraïque les logia (s.e. de Jésus) et chacun les traduisit (êrmêneusen) comme il en était capable. (H.E. III, 39, 16).

De même saint Irénée avait écrit, vers 180 : Ainsi Matthieu publia-t-il chez les Hébreux, dans leur propre langue, une forme écrite d'Évangile, à l'époque où Pierre et Paul évangélisaient Rome et y fondaient l'Église. (Adv. Hae. III, Prologue).

L'apôtre Matthieu aurait publié très tôt, en Palestine et en langue hébraïque (hébreu ou araméen), une forme écrite d'évangile, insérant surtout des discours, ou des sentences, de Jésus (comme on peut en trouver par exemple dans l'évangile apocryphe de Thomas). Il serait ensuite parti à l'étranger, comme la plupart des autres apôtres.

La question qui se pose est donc celle-ci : Quel est l'anonyme qui, après son départ, aurait traduit en grec les logia du Seigneur, tout en y insérant comme le ferait Luc, et très probablement après concertation avec lui comme le montrent différents indices, l'essentiel de l'évangile de saint Marc (600 versets sur 661)?

C'est à cette question que prétend répondre "l'hypothèse du diacre Philippe" (voir article séparé), qui veut que l'Evangile selon saint Matthieu ait été composé en grec par saint Philippe, l'un des sept diacres de Jérusalem, sur la base de l'Evangile selon saint Marc et d'un ensemble de paroles du Christ rassemblées, en araméen, par l'apôtre saint Matthieu. Cette hypothèse est un aménagement de la "théorie des deux sources" (avec son hypothétique source Q).

Signification et intention de l'évangile de Matthieu

Le premier évangile paraît s'adresser avant tout aux juifs et aux rabbins de la synagogue, pour leur démontrer à l'aide des Écritures, l'Ancien Testament, que Jésus-Christ est réellement le Fils de Dieu et l'Emmanuel, Dieu avec nous depuis le début, le fils de David, l'héritier de tous les rois d'Israël et le Messie qu'ils espéraient.

Le titre de Fils de Dieu intervient aux tournants importants du récit, dès l'enfance, au baptême, à la confession de Pierre, à la transfiguration, au procès de Jésus et à la crucifixion. Le nom de fils de David, qui lui est associé, et qui revient en dix occurrences, démontre que Jésus est le nouveau Salomon: en effet Jésus s'exprime comme la Sagesse incarnée. En vertu du titre de Fils de l'homme, qui parcourt l'évangile, et qui provient tout droit de Daniel et du Livre d'Hénoch, Jésus se voit doté de toute autorité divine sur le Royaume de Dieu, aux cieux comme sur la terre.

Matthieu grec, écrivant pour une communauté de chrétiens venue du judaïsme, et discutant sans doute avec les rabbins, s'attache avant tout à montrer dans la personne et dans l'œuvre de Jésus l'accomplissement des Écritures. Il confirme par des textes scripturaires: sa race davidique ((1,1-17), sa naissance d'une vierge (1,23), sa naissance à Bethléem (2,6), son séjour en Égypte (2,15), son établissement à Capharnaüm (4,14-16), son entrée messianique à Jérusalem (21,5.16). Il le fait pour son œuvre de guérisons miraculeuses (11,4-5) et pour son enseignement (5,17).

Tout aussi bien il souligne que l'échec apparent de la mission de Jésus était annoncé par les Écritures, et que les abaissements du Fils de l'homme accomplissent la prophétie du Serviteur souffrant d'Isaïe (12,17-21).

Le premier évangile se présente donc beaucoup moins comme une simple biographie de Jésus, ce qu'ont fait de leur côté excellemment Marc et Luc, que comme une thèse parfaitement construite et documentée adressée aux juifs hellénistes, les croyants pour les conforter dans leur foi, les incrédules ou les opposants pour les réfuter.

Elle s'inscrit bien dans ce climat de tension qui prévalait dans la Palestine d'avant la destruction du Temple, tel qu'il nous est décrit dans les Actes des Apôtres, où la persécution menaçait sans cesse: martyre d'Étienne à l'instigation de la synagogue, dispersion des apôtres, qui seraient suivis par le martyre de Jacques le mineur.

La problématique du premier évangile fait songer à celle du discours d'Étienne, qui nous est rapporté par les Actes (cf. Ac 7). Cela n'a rien d'étonnant s'ils ont quasiment le même auteur: le diacre Philippe dictant pour Luc le discours d'Étienne, et lui-même rédacteur final du premier évangile.

Les invectives terribles du diacre Étienne, sur le point de mourir, ressemblent à s'y méprendre aux malédictions du Christ (au nombre de sept), contre les scribes et les pharisiens, que l'on trouve au chapitre 23 de l'Évangile selon saint Matthieu.

Plan

I. Naissance et enfance du Christ: 1,1 - 2,23 II. Promulgation du Royaume des Cieux: 3,1 - 7,27

  • Section narrative: 3,1 - 4,27
  • Discours évangélique en 7 parties: 5,1 - 7,27

III. Prédication du Royaume des Cieux: 7,28 - 10,42

  • Section narrative, dix miracles: 7,28 - 9,38
  • Discours apostolique en sept parties: 10,1-42

IV. Le Mystère du Royaume des Cieux: 11,1 - 13,52

  • Section narrative: 11,1 - 12,50
  • Discours parabolique en sept paraboles: 13,1-52

V. L'Église, prémices du Royaume: 13,53 - 18,35

  • Section narrative: 13,53 - 17,27
  • Discours ecclésiastique en sept parties: 18,1-35

VI. Avènement prochain du Royaume: 19,1 - 25,46

  • Section narrative (dont sept malédictions): 19 1 - 23,39
  • Discours eschatologique en sept parties: 24,1 - 25,46

VII. Passion et Résurrection: 26,1 - 28,20

Voir aussi : Plan septénaire de l'évangile de Matthieu.

Les principales charnières du récit sont d'ailleurs marquées par une phrase assez stéréotypée : "Et il advint, quand il eut achevé ces discours..."

On peut distinguer dans le premier évangile cinq grands discours, accompagnés de narrations, précédés par les récits de l'enfance, et suivis bien sûr par la relation de la Passion et de la Résurrection selon le schéma originel donné par Marc et qui sera repris, synoptiquement, par les autres évangélistes.

Voir aussi : Cinq discours de l'Évangile selon saint Matthieu

La Passion, la Résurrection, l'envoi en mission, dans Matthieu.

Dans le récit de la Passion et de la Résurrection du Christ, comme de l'envoi en mission, Matthieu grec, comme les trois autres évangiles, suit très fidèlement le schéma de Marc, jusqu'à la fin authentique de cet évangile, qu'on situe en Mc 16,8.

Comme les autres, il le réécrit à sa manière, sans guère en changer la substance.

Matthieu grec confirme en particulier, comme Luc, la chronologie de Marc qui fait tenir l'Onction à Béthanie deux jours avant la Pâque (Mt 26,2), célébrer la Sainte Cène le soir même de Pâque (26,17), et qui fait rester Jésus au moins six heures en croix, le vendredi, après avoir été crucifié à neuf heures du matin (cf. Mt 27,45).

Il rajoute seulement quelques épisodes, selon son enquête personnelle:

- Le récit de la mort de Judas (Mt 27,3-10) dont on trouve une autre version, légèrement différente, dans les Actes des Apôtres (Ac 1,18-19); ce qui démontre encore une fois les liens étroits qui peuvent exister entre le premier évangile et les Actes des Apôtres.

- L'anecdote de la femme de Pilate qui intervient en faveur de Jésus (Mt 27,19).

- Le lavement ostentatoire des mains par le même Pilate, se désolidarisant des assassins de Jésus (Mt 27,24).

- Les manifestions telluriques après la mort de Jésus, et la résurrection de nombreux trépassés (Mt 27,51b-53).

- La garde du tombeau après la Passion, réclamée par les chefs juifs (Mt 27,62-66).

- Le nouveau tremblement de terre et le spectacle grandiose de l'ange qui vient rouler la pierre du sépulcre, au moment de la Résurrection (Mt 28,2-4).

- Enfin la supercherie des chefs juifs pour nier la résurrection de Jésus (Mt 28,11-15).


Après la Résurrection, Matthieu grec, à la différence de Luc et de la finale rajoutée à l'évangile de Marc (Mc 16,9-20) qui suit Luc et peut-être Jean, après une première apparition du Christ aux saintes femmes (Mt 28,9-10), reporte les apparitions du Christ aux apôtres, et l'envoi en mission, en Galilée (Mt 28,16-20) où l'ange (Mt 28,7) et Jésus lui-même (Mt 28,10) avaient donné rendez-vous aux disciples.

De même, l'évangéliste Jean placera une apparition du Christ à ses disciples, en Galilée, au bord du lac de Tibériade (cf. Jn 21).

Tout en suivant de très près la séquence de Marc, Matthieu grec l'a enrichie de nouveaux épisodes, abrégeant cependant la narration de Marc en certains endroits.

Il semble avoir bénéficié d'une tradition propre, différente de celle de Luc, puisqu'il ne signale pas la comparution de Jésus devant Hérode (cf. Lc 23,8-12).

Une tradition matthéenne orale?

En plus d'une tradition matthéenne écrite, en principe commune avec Luc, et que, à la suite des exégètes allemands du XIX e siècle, on a affublée du nom de "source Q", il semble bien que le premier évangile a bénéficié d'une source matthéenne orale, spéciale à cet évangile.

Philippe avait connu personnellement l'apôtre Matthieu. C'est de lui qu'il avait reçu, comme des onze autres, le charisme du diaconat, et le mandat de la prédication évangélique. (Cf. Ac 6,6; 8,1.14). C'est l'apôtre Matthieu qui, partant pour l'étranger (Rufin nous dit l'Éthiopie: cf. H.E. III, 1, 1, traduction latine de Rufin), lui aurait remis son évangile araméen, en fait les logia, ou discours du Seigneur, avec la charge de les traduire et publier.

En plus de ces logia, le premier évangile nous transmet des renseignements précieux et originaux sur le douanier Matthieu, devenu l'un des Douze. Alors que Marc, suivi par Luc, nous raconte l'appel d'un certain Lévi, fils d'Alphée, Matthieu grec nous apprend, dans le récit parallèle qu'il s'agit de Matthieu même; "Son nom était Matthieu" (Mt 9,9), l'un des Douze (cf. Mc 3,18).

Donnant à son tour la liste des apôtres, Matthieu grec mentionnerait que ce Matthieu était publicain (cf. Mt 10,3).

C'est le premier évangile seul qui nous parlerait de la redevance du Temple acquittée par Jésus et Pierre (cf. Mt 17,24-27). On peut voir là une notation propre au collecteur d'impôt qu'était Matthieu. Il donnait à la monnaie de l'impôt son nom technique de "didrachme". En véritable spécialiste des finances il nous apprenait qu'un statère valait deux didrachmes (soit encore un tétradrachme) pour payer l'impôt susdit et qu'il suffirait donc pour deux personnes (cf. Mt 17,27).

Saint Matthieu, apôtre et scribe du Christ (en langue araméenne) se trouverait parfaitement défini, à la fin du discours parabolique: "...scribe devenu disciple du Royaume des Cieux...semblable à un propriétaire qui tire de son trésor du neuf et du vieux." (Mt 13,52). Certains exégètes (Bible de Jérusalem) ont cru trouver là une signature discrète de l'évangéliste primitif.

Le premier évangile nous rapporterait des paraboles remarquables, propres à lui, qui mettraient en œuvre l'argent: parabole du débiteur impitoyable, qui nous parlerait de 10.000 talents, somme colossale, et de cent deniers (cf. Mt 18,23-35); parabole des talents (cf. Mt 25,14-30), alors que Luc parlerait de mines (cf. Lc 19,11-27).

C'était le premier évangile qui dans la prière du Notre Père évoquerait la remise des dettes et les débiteurs (cf. Mt 6,12), tandis que Luc mentionnerait pour sa part la remise des péchés et le devoir de remettre à quiconque nous doit (cf. Lc 11,4).

C'était le premier évangile seul qui donnerait le prix de la trahison de Judas: "Trente pièces d'argent" (Mt 26,15), c'est-à-dire trente sicles (et non trente deniers comme on le dit souvent), la valeur d'un esclave (cf. Ex 21,32), tandis que Marc (14,11) et Luc (22,5) ne feraient état que d'une certaine somme d'argent.

De même Matthieu seul nous préciserait que Judas aurait rapporté cette somme: "les trente pièces d'argent, aux grands prêtres et aux scribes" (Mt 27,3) puis les auraient jetées, saisi de désespoir, non dans le tronc mais dans le sanctuaire même (naos) du Temple (cf. Mt 27,5).

De même, dans le récit de la Résurrection, Matthieu grec serait seul à nous dire que les grands prêtres et les anciens "donnèrent aux soldats une forte somme d'argent, avec cette consigne: 'Vous direz ceci: ses disciples sont venus de nuit et l'ont dérobé pendant que nous dormions'." (Mt 28,12-13).

Philippe, héritier direct de Matthieu et dépositaire de son témoignage, aura voulu laisser sous le patronage de Matthieu seul le premier évangile tout entier, dans son édition définitive.

L'aspect pétrinien du Ier évangile.

Les exégètes ont souvent noté le caractère pétrinien du premier évangile. Plus que les deux autres synoptiques, il insistait sur la primauté de l'apôtre Pierre.

Cela n'a rien de surprenant si l'on admet que ledit premier évangile eut pour rédacteur principal, et final, le diacre Philippe. On connaît par les Actes des Apôtres les rapports étroits qu'avait entretenus Philippe avec le Prince des apôtres. Ordonné diacre à l'initiative de Pierre, et par ses mains à la tête des Douze, Philippe devait le recevoir maintes fois en Samarie ou ailleurs en Judée (cf. Ac 6 --- 12). Le témoignage de Philippe dans le premier évangile, comme aussi dans les Actes, pouvait être de première main.

Le premier évangile ajoutait au rapport de Marc, lui-même collaborateur de Pierre et son interprète, des détails sur Pierre, ou des paroles le concernant, qui ne pouvaient guère provenir que des confidences personnelles du chef des apôtres au diacre Philippe: la marche de Pierre sur les flots (cf. Mt 14,28-32), le Tu es Petrus (cf. Mt 16,17-19), peut-être la redevance du Temple acquittée par Jésus et Pierre à Capharnaüm (cf. Mt 17,24-27). Ces faits ne nous sont connus que par la relation du premier évangile, insérée dans la trame de Marc.

Le premier évangile était celui de la prédication du Royaume des Cieux. Mais ledit Royaume des Cieux ne se réalisait sur la terre que par le truchement d'une communauté de disciples, qui était l'Église; et cette Église même était bâtie sur l'apôtre Pierre.

A la confession de foi de la messianité de Jésus, rapportée par Marc (8,29) et Luc (9,20), Matthieu grec (Philippe) avait rajoutée, dans la bouche de Pierre, la confession explicite de la divinité de Jésus (cf. Mt 16,16). C'était en réponse à cette dernière confession que Pierre s'était entendu institué, par le Christ, comme le majordome du Royaume des Cieux.

L'évangile ecclésiastique, l'évangile du Royaume.

Ce premier évangile si complet et si bien organisé fut reçu et utilisé dans l'Église primitive avec une faveur marquée.

Cela ne saurait surprendre s'il eut pour rédacteur final le diacre Philippe qui l'aurait composé, après consultation de Luc, et même concertation avec lui, au nom de l'apôtre Matthieu, bien sûr, dont il détenait l'héritage et sous le patronyme duquel il le laissa (lui ou l'Église postérieure), mais aussi au nom de toute l'Église de Jérusalem dont il était le diacre et qui l'avait peut-être délégué à cet office.

Encore une fois sa réception très ancienne dans l'Église, et la faveur universelle dont il a bénéficié, ne sauraient nous étonner.

Il est pour nous très important d'admettre que le premier évangile, Matthieu grec, ait été composé en Palestine, plus précisément à Césarée maritime, et non pas à Antioche ou ailleurs, comme on l'a souvent supposé sans aucune preuve, ni même aucune vraisemblance.

L'auteur du premier évangile nous apparaît à plus d'une reprise comme un fin connaisseur de la Palestine. Il lui arrivait même de corriger discrètement la géographie un peu approximative de Marc, ou même de Luc. Ainsi en Mt 8,28 il précisait que Jésus, débarqué sur l'autre rive, était parvenu au pays des Gadaréniens et non pas au territoire des Géraséniens (cf. Mc 5,1; Lc 8,26). Il appert que la ville de Gadara, en Décapole, était bien plus proche du lac de Tibériade que la ville de Gérasa.

En Mt 15,39 Matthieu grec (Philippe) changeait le nom de Dalmanoutha, donné par Marc (8,10) et inconnu des géographes, en celui de Magadan. Certes Magadan était tout aussi impossible à situer sur les cartes: mais précisément plus d'un exégète y voyaient une corruption, due à un copiste, du nom de "Magdala", bourgade fort bien identifiée des bords du lac. (Cf. Mgr Clemens Kopp, Itinéraires évangéliques, 1964, page 347).

En Mt 27,7 Matthieu grec (Philippe) nous informait que les grands prêtres achetèrent avec les trente sicles de Judas le "champ du potier", bien connu des habitants de Jérusalem (cf. Ac 1,19), comme lieu de sépulture pour les étrangers. "Voilà pourquoi ce champ-là s'est appelé jusqu'à ce jour le 'Champ du Sang'" (Mt 27,8). Le renseignement était d'une grande acribie géographique. Et il correspondait parfaitement à l'indication livrée par Luc dans les Actes.

Les trois évangiles synoptiques (et même Jean, en un sens, qui est bien plus synoptique qu'on ne le dit) ont été rédigés d'une manière volontairement concordante, même s'il subsiste entre eux quelques menues différences de détails.

Philippe et Luc ont repris, et suivi, avec grand respect et une considération évidente le témoignage de Marc, parce qu'il émanait directement de l'autorité de l'apôtre Pierre.

Mais chacun l'a remanié ou complété, ou parfois abrégé, selon son charisme.

Il faut bien comprendre que Philippe comme Luc avaient comme préoccupation primordiale de ne pas laisser perdre les logia de l'apôtre Matthieu, ainsi que ses confidences parlées. C'est pourquoi ils les ont amalgamés d'une manière différente dans le matériau brut livré par Marc.

Ils ont complété le tout par les résultats de leur enquête personnelle, ou même par leurs souvenirs propres.

Cependant Matthieu grec (sans doute Philippe), avec ces éléments, et ces contraintes, a fait œuvre tout à fait originale et bien différente de Luc et bien sûr de Marc.

Plus qu'une vie de Jésus, son évangile est un discours, ou une homélie, ou une hymne, pour prouver, comme nous l'avons dit, la divinité du Christ et pour annoncer l'avènement imminent, et même déjà là, du Royaume des Cieux, dont l'Église de Jésus-Christ constitue déjà l'esquisse sur cette terre.

Jésus-Christ est le Fils de l'homme qui doit revenir régner triomphalement à la fin de l'histoire humaine, même s'il est en même temps, ô combien paradoxalement, le "Serviteur souffrant" d'Isaïe, qui devait connaître, et qui a effectivement connu parmi nous, les plus grands abaissements.

Le premier évangile qu'on peut considérer comme typiquement sémite ou même, comme nous l'avons démontré, typiquement palestinien, se termine pourtant par une phase tout à fait universaliste. Il s'ouvre sur l'espace infini, et sur le temps infini. Il le fait au nom du baptême qui devient la porte d'entrée officielle à la fois dans l'Église et dans le Royaume de Dieu. Il le fait au nom de la Sainte Trinité, qu'il est bien le seul, dans tout le Nouveau Testament, à proclamer nommément et clairement, même si tous les autres livres la sous-entendent: "Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit." (28,19).

Il ajoute pourtant ces deux notes essentielles:

"Observer tout ce que je vous ai prescrit" (Mt 28,20), c'est-à-dire le Sermon sur la Montagne, c'est-à-dire la charité.

Et la promesse, qui vaut pour aujourd'hui: "Je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin de l'âge." (Mt 28,20).

Extraits

Mt 2,10-11 : A la vue de l'étoile, ils eurent une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, trouvèrent l'enfant avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils l'adorèrent ; puis, ouvrant leurs trésors, ils lui offrirent des présents : de l'or, de l'encens et de la myrrhe.

Mt 6,8-13 : Vous prierez donc ainsi : Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié...

Mt 9,9 : Et de là, en passant, Jésus vit un homme, nommé Matthieu, assis au bureau du fisc, et il lui dit : "Suis-moi." Il se leva et le suivit.

Mt 16,18-19 : "Et moi, je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux : tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux."

Mt 24,35-35 : "Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point. Quand à ce jour et à l'heure, nul ne les connaît, pas même les anges des cieux, mais le Père seul."

Mt 26,26-28 : Pendant le repas, Jésus prit du pain et après avoir dit la bénédiction, il le rompit et le donna à ses disciples, en disant : "Prenez et mangez, ceci est mon corps." Il prit ensuite une coupe et, après avoir rendu grâces, il la leur donna, en disant : "Buvez-en tous, car ceci est mon sang, (le sang) de l'alliance, répandu pour beaucoup en rémission des péchés."

Mt 28,18-20 : "Toute puissance m'a été donnée dans le ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous toujours jusqu'à la fin du monde."

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes:

Source: http://fr.wikikto.eu/index.php/%C3%89vangile_selon_saint_Matthieu