Iconostase

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Iconostase de la Cathédrale de l’Annonciation du Kremlin (Moscou).
Une iconostase ukrainienne à deux niveaux dans le style moderne Kozak.

Une iconostase est une haute cloison en bois ou en pierre qui sert de support stable aux icônes et marque la limite entre la nef et le sanctuaire. Il existe depuis toujours un vaste éventail de styles pour les iconostases : certaines sont simplement constituées de deux icônes : celle du Christ Pantocrator et celle de la Théotokos ; les plus complexes, les murs d'icônes des cathédrales, ont de multiples niveaux comportant chacun plusieurs icônes. L'iconostase est peut-être l'un des traits distinctifs les plus visibles des églises de rite byzantin.

Histoire

Dès le IVe siècle, il y avait dans les églises romaines et byzantines un chancel très bas, sorte de balustrade en bois ou en pierre, sans icônes, qui marquait la limite entre la nef et le sanctuaire. Au début du Ve siècle apparaissent en outre quatre colonnes surmontées d'une architrave sculptée. Au VIe siècle, Justinien fait édifier à Sainte-Sophie douze colonnes, et au milieu de celles-ci les "portes royales". C'est probablement après la crise iconoclaste, lors du rétablissement de la vénération des icônes (en 843), que des icônes ont été insérées dans cet édifice : d'abord celle de la Déisis (en grec: Δέησις, Intercession), représentant la Théotokos et saint Jean Baptiste, intercédant de part et d'autre du Christ, en majesté, à la fois Juge et Époux ; puis, alors que se fixe le calendrier liturgique, les icônes des douze fêtes majeures. C'est en Russie, au XIIIe siècle, que semblent être apparus les murs d'icônes, probablement en raison du fait que les églises en bois ne permettaient pas la réalisation de fresques : l'essentiel du programme iconographique figurant habituellement sur les murs et les coupoles se trouve rassemblé sur l'iconostase. Dans les églises en pierre, ce modèle est cependant repris, et avec le temps l'iconostase s'élève de plus en plus : à la fin du XVe siècle apparaît la quatrième rangée d'icônes (consacrée aux prophètes) et, au XVIe siècle, la cinquième rangée (consacrée aux patriarches). Ce modèle d'iconostase à cinq rangées va devenir la norme à partir du XVIIe siècle, mais cette norme ne sera appliquée que proportionnellement au volume et à la richesse des églises.

Plan type

Un certain nombre de règles régissent la place des icônes sur l'iconostase, bien qu'il y ait une certaine marge de variation. Même si les icônes varient en taille, dans leur nombre et leur forme, le schéma suivant peut être considéré comme le schéma de base d'une iconostase.

Plan type d'une iconostase.

I.La première rangée d’icônes, à la base de l’iconostase, symbolise l’Église locale, active dans le monde. C’est la première à apparaître en ordre historique, et la seule indispensable. Elle comprend :

  1. Une icône de la Théotokos portant le Christ enfant.
  2. Une icône du Seigneur, généralement l'icône du Christ Pantocrator.
  3. L'icône de Saint Jean, le Prophète, Précurseur et Baptiste de Notre Seigneur.
  4. L'icône du saint ou de la sainte ou de la fête auquel ou à laquelle est dédiée l'église si elle n'est pas dédiée au Christ ou à la Mère de Dieu.
  5. Les Portes Royales (ou portes saintes). Elles sont généralement ornées d'un diptyque représentant l'Annonciation. Le plus souvent, elles portent aussi les icônes des quatre évangélistes, ou bien celles de Saint Basile le Grand et de Saint Jean Chrysostome, auxquels sont attribuées les principales liturgies célébrées dans l’Église Orthodoxe.
  6. La porte nord par laquelle sort le clergé. Elle représente habituellement un diacre, généralement saint Stéphane (ou Étienne) le Protomartyr, ou un archange, généralement saint Michel.
  7. La porte sud par laquelle entrent ou sortent les diacres et les clercs mineurs. De même que la porte nord, elle représente habituellement un diacre, généralement saint Laurent, ou un archange, généralement saint Gabriel. Les deux portes latérales sont appelées aussi les « portes diaconales ». Dans certaines églises russes, il existe une deuxième rangée de portes latérales.
  8. Les icônes représentant généralement des saints particulièrement proches de la paroisse (son saint patron ou sa sainte patronne) ou particulièrement vénérés par l'Église locale à laquelle l'église est rattachée, comme saint Nicolas de Myre, Georges le Mégalomartyr, Démètre le Myroblite, Serge de Radonège, l'Apôtre André, Saint Germain d'Alaska, Saint Séraphin de Sarov, etc.
  9. Au centre du registre est généralement placée l'icône de la Cène Mystique, le dernier dîner de Notre Seigneur avec ses Apôtres, lors duquel il institua la Sainte Eucharistie, le centre de la vie liturgique de l’Église locale. Si l’iconostase comprend plusieurs registres (rangées d’icônes), cette icône est placée au deuxième registre.

II. Le deuxième niveau, s’il existe, placé au-delà du premier, comprend généralement les icônes des douze grandes fêtes, ayant au centre la Cène Mystique ou le Mandylion. Ce niveau représente la venue du Christ sur terre et l’instauration d’une nouvelle Loi de la Grâce à la place de la Loi de l’Ancien Testament.

III. Le troisième niveau représente les apôtres entourant la Déisis. Y sont représentés parfois aussi des anges, notamment des archanges, des saints évêques, martyrs ou moines. Ce niveau évoque les fruits de l’Incarnation du Seigneur et de la descente du Saint Esprit et la prière de l’Église pour tout le monde. L’ordre du deuxième et du troisième niveau est variable : le registre des apôtres est placé tantôt au-dessus, tantôt au-delà de celui des grandes fêtes.

IV. Sur le quatrième niveau, au-delà des premiers peuvent être placées les icônes des prophètes de l’Ancien Testament. Au centre de ce niveau est placée une icône de la Vierge à l’Enfant (Orante) : c’est la venue du Messie, le fils de la Vierge qui se trouve au centre de toutes les prophéties. Ce niveau évoque le monde vivant sous la Loi de Moïse, en attendant et en préparant la voie pour la venue du Sauveur.

V. Au cinquième niveau figurent les icônes des patriarches de l’Ancien Testament, d’Adam à Abraham. Au centre est placée l’icône de l’Hospitalité d’Abraham à Mambri, considérée comme la première épiphanie de la Très-Sainte Trinité. Ainsi, c’est le monde d’avant l’instauration de la Loi de Moïse qui est représenté sur ce niveau.

VI. Tout en haut, l’iconostase est couronnée de la Croix du Seigneur, entourée de la Mère de Dieu et de Saint Jean le Théologien.

Ainsi l’iconostase est-elle une forme de récapitulation de l’ensemble de l’histoire du salut.

Signification de l’iconostase

Ancrées, d’une part, dans l’icône de l’Annonciation, « le début de notre salut » et d’autre part par la Croix de notre Seigneur, chaque rangée d’icônes sur l’iconostase représente une période bien délimitée de l’histoire du salut de l’humanité. Loin d’être conçue comme un simple mur de séparation entre la nef et l’autel, entre le clergé et les fidèles, l’iconostase a acquis de profondes significations liturgiques et théologiques. Il est une évocation en images de la prière eucharistique, prononcée par le prêtre à haute voix. Image de l’Église-Corps du Christ, l’iconostase illustre la croissance de l’Église et sa vie à travers l’histoire. Ainsi l’iconostase devient-elle non un signe de séparation, mais un élément d’union, de rassemblement, qui lie la nef à l’autel, la temporalité et l’éternité, pont et fenêtre à travers lequel on peut contempler la vie éternelle.

Sources

Bibliographie

  • Père Paul Florensky, La perspective inversée, suivi de l’Iconostase, Âge de l’homme, Lausanne, 1992, (ISBN 2-8251-0096-X)
  • Léonide Ouspensky, La théologie de l'icône dans l'Église orthodoxe, Le Cerf, Paris 1960, 1980, 1998.