Grégoire de Nysse

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Saint Grégoire de Nysse

Saint Grégoire de Nysse, né entre 331 et 341 à Néocésarée (actuelle Niksar en Turquie), dans la province du Pont-Euxin, mort après 394, est un théologien chrétien et Père de l'Église. Il est commémoré le 10 janvier dans l’Église Orthodoxe.

Contexte historique

En 313, l'Église était sortie de la clandestinité et des persécutions sanglantes grâce à la conversion au christianisme de l'empereur Constantin Ier.

En 325 avait eu lieu à Nicée, à l'initiative de Constantin, le Premier concile œcuménique [1] condamnant l'arianisme[2] qui commençait à se répandre, et reçut même par la suite le soutien de certains empereurs.

Vie

Qui veut connaître la vie de Grégoire de Nysse ne dispose que de ses écrits. Or, non seulement Grégoire n'a commencé sa carrière d'écrivain qu'à l'âge mûr, mais en outre, il nous a laissé peu de correspondance à caractère intime. Les renseignements dont nous disposons sur sa vie sont, de ce fait, sommaires et fragmentaires.

Grégoire naît vers 335, entre 331 et 341. Son père tenait une école de rhétorique à Néocésarée. Basile de Césarée est son aîné de cinq ans. Il bénéficie de la très forte influence de sa sœur Macrine et davantage encore de celle de son frère Basile qu'il appelle « un maître et un père » et « la merveille de l'univers ».

Au sujet de ses études, Grégoire assure dans sa Lettre 13 qu'il « n'a rien de sensationnel à en dire ». L’œuvre écrite de Grégoire prouve à l'évidence qu'il est, à l'âge des anthologies, un des rares auteurs qui a lu et assimilé intégralement les Anciens. Il est moins bon orateur que Basile dont il n'a ni la sobriété ni la force, et que Grégoire de Nazianze dont il n'a ni la vie ni la spontanéité.

Grégoire fut lecteur, mais il ne se jugea pas pour autant lié au service de l’Église. Après le retrait de la loi scolaire de l'empereur Julien en 365, il devint maître de rhétorique.

Grégoire se maria et il aimera toujours tendrement sa femme. Cependant, il déplorera plus tard de ne pas avoir choisi la virginité.

Grégoire de Nazianze (Lettre 11) rappelle son ami à une vie plus fervente (plus philosophique) et Grégoire de Nysse s'efforce désormais de vivre à la manière des moines : il fait de longs séjours au monastère de l'Iris de Basile.

En 371, Grégoire fut nommé évêque de Nysse, contre son gré, par Basile. Lui qui n'aspirait qu'à la vie spirituelle et intellectuelle se montra inapte à toute politique ecclésiastique ; on lui reprocha son manque de fermeté et les inexactitudes de sa comptabilité (voir les Lettres mécontentes de Basile : 58, 59, 60, 100).

En 376, un synode d'évêques ariens le dépose. En 378, l'empereur Valens étant mort, on fêta son retour triomphal dans son diocèse. En 379, après la mort de Basile, Grégoire passe au premier plan et il devient l'homme de confiance du régime impérial de Théodose le Grand. En 380, nommé archevêque de Sébaste, il y fait nommer la même année son frère Pierre. Il est alors désigné comme évêque ordinaire de tout le diocèse du Pont.

En 381, il joue un rôle de première importance au concile de Constantinople, convoqué contre l'arianisme, contre le nouvel évêque de Constantinople. C'est ce concile qui, contre ceux qui niaient la divinité de l'Esprit saint, ajouta à la profession de foi de Nicée, à propos de l'Esprit saint : « Seigneur et donnant la vie, procédant du Père, devant être co-adoré et co-glorifié avec le Père et le Fils ; Qui parla par les prophètes »..

En 385, il donne les honneurs de la sépulture à « sa sœur Théosébie » ; il prononce l'éloge funèbre de l'enfant unique de l'empereur Théodose, la princesse Pulchérie, morte à l'âge de 6 ans, et peu après celui de l'impératrice Flacilla. En 386, l'empereur qui résidait à Constantinople se fixe à Milan (où Saint Ambroise est évêque) et Grégoire se trouve ainsi libéré. Ici se situe sa période de production littéraire.

Vers 394, il donne des instructions spirituelles aux moines, ensuite on perd sa trace. On fixe la date de sa mort vers 394.

Les écrits de Grégoire, en grec, sont nombreux et variés. Le Discours catéchétique s'adresse aux catéchistes et traite de questions de la foi contestées par les hérétiques. La formulation de la foi, comme toujours, se précise dans la controverse.

Grégoire a en outre commenté dans des homélies divers passages bibliques, notamment l'Ecclésiaste, le Cantique des Cantiques et les Béatitudes.

Doctrine

La pensée de Grégoire de Nysse est plus pénétrante que celle de Basile de Césarée et de Grégoire de Nazianze.

Sources profanes

Nous pouvons citer trois sources profanes qui eurent une certaine influence, au moins dans leur style, sur la doctrine de Grégoire de Nysse : ce sont Platon, Plotin et les stoïciens. Il faut faire une mention spéciale de Plotin (205-270), philosophe mystique néo-platonicien. La dépendance littéraire de Grégoire envers lui est évidente. Cependant, cette influence doit être mitigée : nous assistons dans son œuvre à une entière transformation du platonisme comme du néoplatonisme de Plotin. Nous pouvons suivre dans son jaillissement même et dans les difficultés qu'il rencontre le travail de transposition qui va permettre à la mystique chrétienne de se constituer. L'influence plotinienne, bien plus qu'une influence réelle dans la doctrine, consiste plutôt en un « atavisme d'expression ». La nouveauté du christianisme, dans la recherche d'une formulation adéquate, se voit obligée d'acquérir la maîtrise de ce langage philosophique profane, mais en modifiant considérablement le sens.

Datation des œuvres

Elle est extrêmement difficile, car on a trop peu de détails sur la vie de Grégoire. La plus grande partie de l’œuvre fut écrite après la mort de Basile (379).

Style

Si certains auteurs modernes trouvent le style de Grégoire de Nysse lourd, surchargé, et ses phrases inextricables, d'autres parlent du style prestigieux et de la musique des phrases de Grégoire où résonnent toutes les harmonies de la culture antique. Le paradoxe se résout si on comprend que ce poète-philosophe-mystique est un poète d'idées. Le style de Grégoire est difficile du fait de son extrême densité.

Le corpus

Le corpus des œuvres de Grégoire (Clavis Patrum Græcorum 3135-3226) se divise en ouvrages dogmatiques, exégétiques et ascétiques (ou monastiques). Nous nous arrêterons à deux œuvres monastiques : le Traité sur la Virginité et la Vie de Moïse.

1. Ouvrages dogmatiques

  • La grande Catéchèse

Depuis le De Principiis d'Origène, c'est le premier essai de théologie systématique, somme de doctrine chrétienne composée vers 386. Cette œuvre majeure trouve par ailleurs son fondement dans la métaphysique et non sur la seule autorité des Écritures.

  • Le Dialogue avec Macrine.

Ce Macrinia est la relation d'une conversation entre Grégoire et sa sœur Macrine qui, nous dit Grégoire, mourut le lendemain. Elle se situe après la mort de Basile (379). Nous avons ici une contrepartie chrétienne du Phédon de Platon . Les idées de Macrine sont évidemment celles de Grégoire de Nysse.

Toutes les autres œuvres dogmatiques de Grégoire sont dirigées contre des hérésies. La plus importante comprend quatre traités. C'est le Contre Eunome.

  • Contre Eunome

Ces quatre traités sont une réfutation de l'arianisme. Les deux premiers furent lus au Concile de Constantinople (en 381) devant Grégoire de Nazianze et Jérôme. Grégoire de Nysse était en effet le chef théologique de l'assemblée. L’œuvre est aussi une défense de la pensée théologique de Basile (trois premiers traités, le quatrième réfute la profession de foi d'Eunome).

  • Les autres œuvres dogmatiques

Pour les autres œuvres dogmatiques, que nous ne citons pas toutes, voici un résumé des idées défendues :

Deux traités réfutent l'apollinarisme qui accusait l'Église de prétendre qu'il y avait deux Fils de Dieu. Grégoire insiste sur l'union des deux natures dans le Christ.

Quatre traités défendent la doctrine trinitaire : le Père, le Fils et l'Esprit sont trois modes d'être, trois relations d'un être un et identique.

Un de ces traités est la Lettre 189 de Saint Basile de Césarée - donc faussement attribuée à Basile. Elle défend, comme une autre œuvre de Grégoire de Nysse (le Sermo de Spiritu Sancto), la divinité du Saint-Esprit.

Citons enfin un dialogue avec un philosophe païen contre le fatalisme astrologique : le Contra Fatum.

2. Ouvrages exégétiques

  • Deux ouvrages importants sur la Création : La Création de l'homme (De opificio hominis) et L'explication du récit des six jours (Explicatio apologetica in Hexameron) :

Le premier est un cadeau de Pâques à son frère Pierre dans lequel Grégoire complète l'Hexameron de Basile. « Que la gloire qui vient des disciples ne fasse pas défaut au maître », y dit Grégoire.

Le deuxième en est la suite directe. Comme Basile s'interdisait de s'écarter du sens littéral, Grégoire renonce ici à l'allégorie, présente partout ailleurs dans son œuvre.

Les autres œuvres sont toutes des œuvres ascétiques ou mystiques, sauf le petit écrit sur la sorcière d’Endor (De pythonissa) où Grégoire affirme que la sorcière ne vit pas Samuel lui-même mais un démon.

  • La Vie de Moïse : nous la retiendrons parmi les œuvres monastiques.
  • Sur les Inscriptions des psaumes : les cinq livres des psaumes représentent autant de degrés sur l'échelle vers la perfection et leurs titres ont une signification allégorique destinée à notre profit spirituel.
  • Huit homélies sur l’Ecclésiaste : le renoncement conduit les sens à un monde de paix. Ce livre est destiné à élever l'esprit au-dessus des sens.
  • Quinze homélies sur le Cantique des cantiques - éloge d'Origène et défense de son interprétation spirituelle. Le Cantique des cantiques figure l'union nuptiale entre Dieu et l'âme (Origène insistait davantage sur l'aspect ecclésial).
  • Sur l'oraison dominicale : cinq homélies. Le thème majeur est l'image divine dans l'âme humaine.
  • Sur les béatitudes : huit homélies sur les degrés ascendants des béatitudes.
  • Deux homélies sur la 1ère Épître aux Corinthiens.

3. Ouvrages ascétiques ou monastiques

C'est la partie la plus importante, car elle est la plus personnelle de l’œuvre du grand mystique. Grégoire donne au monachisme une doctrine spirituelle, une profonde orientation religieuse. Grégoire est le « père du mysticisme » et en a forgé le vocabulaire chrétien.

  • Le Traité sur la Virginité est la toute première œuvre de Grégoire, écrite peu après l'élection épiscopale de Basile (370) et avant la consécration épiscopale de Grégoire (371).
  • Du nom et de la profession des chrétiens : le christianisme est l'imitation de la nature divine, la restauration de l'image première.
  • Sur la perfection chrétienne : dédié au moine Olympius, ce traité est le commentaire des grands textes christologiques de saint Paul. La sainteté est l’œuvre du Christ dans l'âme. Les noms du Christ sont étudiés. La vraie perfection n'est jamais réalisée, mais elle est toujours en mouvement vers le mieux. La perfection n'est contenue par aucune limite. Telle est la conclusion de l'écrit.
  • La Vie de Macrine : Écrite à la requête du même moine Olympius, aussitôt après la mort de Macrine en décembre 379. Macrine y est présentée comme le modèle de la perfection chrétienne.
  • L'Hypotypose

Ce traité très important fut récemment découvert et édité. On n'en avait que de larges extraits sous le nom de De instituto christiano. Le livre est écrit vers la fin de la vie de Grégoire, après 390, et donne la synthèse de toutes ses idées maîtresses. Il y dit, dans ce traité, son dernier mot sur la nature de l'ascétisme, comme ce qui tend à favoriser le développement de la vie mystique. Grégoire se cite lui-même, empruntant de larges extraits au Traité sur la Virginité et à la Vie de Moïse. Nous sommes ici au sommet de la pensée spirituelle de Grégoire.

Quel est le sujet précis du livre ? Écrit pour ceux « qui réalisent en commun la forme de vie apostolique », il cherche à dégager le but (en grec, le skopos) de la vie monastique et les moyens de l'atteindre. Le but de la vie monastique est de rendre l'homme spirituel adulte et cette croissance est l’œuvre commune de la grâce et de la liberté. La foi et le baptême ont rendu l'homme spirituel, ils sont principe d'une purification progressive par laquelle, libérée de la honte, l'âme accède à l'assurance confiante (en grec: παρρησία / parrhesia) et est rendue capable de voir la lumière inintelligible. L'humilité seule l'assimile au Christ humble.

La seconde partie de l'ouvrage insiste sur la pratique de la vie commune où, dans le renoncement à soi-même et à toute volonté propre, chacun est au service de tous. Le cénobitisme est l'organisation même d'un service mutuel dans la joie et l'épanouissement de l'amour. On trouvera la route à suivre en prenant pour guide celui qui a mission de conduire la communauté des frères au port de la volonté divine.

La troisième partie est une défense ardente de la contemplation. Elle est l'apport le plus personnel de Grégoire. Parmi tous les « exercices d'ascèse » (en grec: πόνος / ponos et en grec: κόπος / kopos) qui conduisent à la perfection, l'accent est mis sur la prière, sommet de l'échelle des vertus.

Celui qui s'applique à la prière, ayant pris l'Esprit pour guide et soutien, brûle de l'amour du Seigneur et bouillonne de désir, ne trouvant pas de satiété à sa prière, mais s'enflammant toujours du désir du Bien. Les âmes d'oraison sont le fleuron du monastère, elles doivent être soutenues de toute manière. La prière donne la joie spirituelle, elle est le royaume de Dieu.

Le leitmotiv de toute l’œuvre est le texte de l’Épître aux Philippiens, 3, 13 : « Je vais droit de l'avant, tendu de tout mon être, je cours vers le but ». Nous reconnaîtrons d'ailleurs dans cette épectase l'idée centrale de Grégoire.

L'influence de ce traité sur saint Jean Cassien est certaine. La Grande lettre de Macaire (texte du Ve siècle) en est une paraphrase directe. Dom Adalbert de Vogüé a étudié son influence sur la Règle de saint Benoît.

4. Discours, Sermons et Lettres

Signalons encore dans les œuvres de Grégoire de Nysse les discours et sermons.

Un sermon sur l'Ascension est le premier témoignage d'une fête de l'Ascension distincte de celle de la Pentecôte, il date de mai 388. Le panégyrique sur son frère Basile ne contient aucun thrène (grec: θρῆνος). Basile est comparé à Jean-Baptiste et à Saint Paul et Grégoire se préoccupe de lui établir une fête dans le martyrologe.

Et enfin, mentionnons encore les Lettres :

Trente lettres sont conservées. La Lettre 25 décrit en détail un martyrion, sanctuaire cruciforme, et présente un grand intérêt pour l'histoire de l'art chrétien. Les Lettres 2 et 3 sur le pèlerinage de Jérusalem sont célèbres et furent très discutées. Elles protestent contre l'excessive estime des pèlerinages.

Changer de lieu n'apporte aucun progrès vers Dieu, mais, où que vous soyez, Dieu viendra à vous, si les chambres de votre âme se trouvent telles qu'il puisse habiter en vous. Mais si vous gardez votre être intérieur plein de mauvaises pensées, fussiez-vous sur le Golgotha, sur le Mont des Oliviers, sur le rocher mémorial de la Résurrection, vous serez aussi éloignés de recevoir le Christ en vous qu'on peut l'être lorsqu'on n'a même pas commencé de le confesser.

Postérité

La pensée de Grégoire de Nysse influença notamment Dominique de Guzmán (Saint Dominique), fondateur de l'Ordre des Prêcheurs (o.p.), et Thomas d'Aquin, o.p., dans leur lutte intellectuelle contre le catharisme qui, influencé par le manichéisme, avait tendance à établir une certaine symétrie entre un principe du bien et un principe du mal. Thomas d'Aquin développa beaucoup l'argument et lui donna une forme systématique : aucune espèce de symétrie entre l'être et le néant, entre Dieu et le diable, entre la bonne action et le péché.

Le futur cardinal Hans Urs von Balthasar, l'un des plus grands théologiens catholiques du XXe siècle, lui consacra un ouvrage intitulé Présence et pensée, Essai sur la philosophie religieuse de Grégoire de Nysse en 1942.

Certaines de ses expressions donnent lieu à un débat dans le cadre de l'apocatastase. Dieu sera restauré en tous à la suite du jugement général, certains y voient la porte ouverte à une restauration même des damnés, d'autres (chrétiens catholiques comme chrétiens orthodoxes) estiment que cette restauration sera pour chacun selon son mode : la jouissance ou la souffrance suivant que les personnes aient fait le choix de l'amour ou de la haine durant leur existence terrestre. Vlachos estime que si Grégoire de Nysse devait être interprété dans le sens d'Origène, en ce qui concerne son eschatologie, il n'aurait pas bénéficié de cette vénération constante puisque la doctrine d'Origène a été clairement condamnée par l'église [3].

Compté au nombre des Pères de l'Église, Grégoire de Nysse est vénéré par l'Église catholique, l'Église orthodoxe, l'Église copte orthodoxe, les églises orientales orthodoxes et l'Église anglicane comme saint.

Bibliographie

  • (fr) Grégoire de Nysse, Le But divin, collection « Les Maîtres de vie spirituelle », Éditions Pierre Téqui, 1986 (76 p.)

Notes et références

  1. œcuménique veut dire réunissant tous les évêques de l'univers, c’est-à-dire de la Terre.
  2. Selon cette doctrine qui tenait le Verbe de Dieu pour une créature, Jésus était considéré uniquement comme un homme et non comme un homme en même temps Dieu (une seule personne réunissant deux natures, celle d'un homme et celle du Dieu Unique)
  3. Hiérothée Vlachos, La Vie éternelle, l'Age d'Homme, Paris. Voir aussi Jean-Claude Larchet, La divinisation selon Maxime le Confesseur, Cerf, Paris.

Textes en Liens externes

Liens internes

  • Pères cappadociens